Revue de presse

P. Yonnet - "Voyage au centre du malaise français : une analyse dont la lucidité ne cesse de déranger" (R. Kopp, revuedesdeuxmondes.fr , 28 nov. 22)

Robert Kopp, universitaire, écrivain. 29 novembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Paul Yonnet, Voyage au centre du malaise français. L’antiracisme et le roman national, Gallimard, 1993, rééd. L’Artilleur, sept. 2022, 368 p., 20 e.

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"[...] Il ne faudrait pas se méprendre sur la nature du travail de Paul Yonnet. Son livre est une enquête remarquablement documentée de sociologie des mentalités et non pas un essai ou un livre d’humeur. L’auteur veut comprendre ce que révèle le succès spectaculaire de S.O.S. Racisme, mouvement créé en 1984 avec le soutien de l’Élysée, pour faire oublier l’abandon, au moment du tournant de la rigueur, de la plupart des promesses du programme socialiste et la soumission de la France à l’Europe. Un mouvement qui, pendant six ans, a conquis tous les milieux politiques, les médias, l’université, dans l’édition, avant de se fracturer sur la guerre du Golfe. Sur quel terreau a-t-il prospéré ? Pourquoi son idéologie s’est-elle définitivement implantée dans tous les milieux alors que le mouvement lui-même n’existe plus ?

Pour commencer, Yonnet montre que ce qu’il appelle le « néo-antiracisme » est bien antérieur au mouvement de Harlem Désir et de Julien Dray. Que le terrain avait été préparé par deux institutions rivalisant à l’envi d’antiracisme : l’Église et l’État. L’Église, au lendemain de Vatican II, ne se considérant plus que comme une communauté religieuse parmi d’autres et non pas comme celle qui formait la colonne vertébrale de la société, s’était, en effet, ralliée très officiellement au multiculturalisme, en Allemagne d’ailleurs autant, voire plus encore, qu’en France. L’État, ayant abandonné l’ambition d’assimiler les étrangers, vu leur nombre qui ne cessait de croître de façon exponentielle, avait emprunté le même chemin, laissant se former des ghettos dans les banlieues de toutes les grandes villes. Et Yonnet de citer entre autres signes avant-coureurs la « marche de beurs » de l’automne 1983, soutenue par tous les partis de gauche, et la déclaration commune de l’épiscopat, de la fédération protestante et de la Grande Mosquée de Paris « contre le racisme et pour le pluralisme de la société ».

Un nouveau langage se met en place, un nouveau discours, présentant toute tentative d’assimilation comme une violence intolérable faite aux immigrés. Ces derniers étant systématiquement présentés comme des victimes, des exploités, à l’instar du prolétariat, qui n’existe plus après la mort de l’idéologie marxiste et dont ils prennent avantageusement la place. Harlem Désir et ses potes n’ont donc aucun mal à faire croire à une France « multiculturelle, multiconfessionnelle, multicolore », « malade de vieillesse et de peur », « moribonde », condamnée à une « mort lente » et qui n’a qu’un espoir : la régénération par l’immigration. Une utopie de substitution pouvait ainsi se mettre en place sur les ruines du marxisme, en parfaite contradiction avec l’idéal républicain qui consiste à éliminer des différences ethniques. Tout individu est assigné à sa race, la race remplaçant désormais la classe. Comme le disait déjà Raymond Aron dans L’Opium des intellectuels (1955), « les haines de races survivent aux distinctions de classes ». Quant au roman national, il est remplacé par une myriade de romans ethniques. La citoyenneté est découplée de la nationalité. Seul compte le lieu de résidence : « J’y suis, j’y vote. » [...]"

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