Revue de presse

Formations en diversité : "Un remède pire que le mal" ? (P. Sastre, Le Point, 26 jan. 23)

Peggy Sastre, journaliste scientifique et essayiste. 1er février 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Un remède pire que le mal".

"Les mauvais esprits surnomment ces pensums « DIE » (« mourir »). Les formations en D.E.I. – diversité, équité, inclusion – visant, comme leur sigle l’indique, à rendre les organisations plus diverses et accueillantes, notamment envers des populations historiquement discriminées (femmes, minorités sexuelles et ethniques, personnes handicapées, etc.), n’ont jamais été aussi prospères dans le monde occidental, secteurs public et privé confondus. En 2020, selon un rapport, le marché mondial aurait atteint les 7,5 milliards de dollars (avec des prévisions à 17,2 d’ici à 2027), dont 3,4 seulement aux États-Unis, plus gros pourvoyeur et consommateur du produit.

Comme le détaille une tribune du journaliste scientifique Jesse Singal, publiée ces jours-ci dans le New York Times, les promoteurs de ces formations font miroiter des merveilles à leurs clients : entre autres, qu’elles amélioreront les relations entre collègues ou permettront de retenir des employés issus de minorités. Le souci ? « Peu de données attestent que de telles initiatives fonctionnent réellement. »

Pire encore, des analyses poussées laissent même entendre que le type de formation D.E.I. aujourd’hui le plus en vogue aux États-Unis – des ateliers obligatoires, professant la « fragilité blanche » et autres concepts agonistiques issus à plus ou moins long terme de la théorie critique – ferait plus de mal que de bien. Pour citer Singal : « Si les formations à la diversité n’ont aucun impact, cela voudrait dire que des milliards de dollars sont gaspillés chaque année aux États-Unis dans de telles initiatives. Mais il y a une possibilité plus sombre : que certaines puissent en réalité empirer les choses pour les organisations qui les achètent. » En d’autres termes, que les administrations et les entreprises finissent moins diverses, équitables et inclusives après le passage (grassement payé) des formateurs.

Singal expose les explications classiques à ce marasme, par exemple le fait que la base théorique de ces formations n’a aucun début de commencement de solidité scientifique. Et qu’elles pataugent dès lors, comme on dit dans le monde des algorithmes, dans un beau GIGO (« garbage in, garbage out ») : qui sème de la fiente récolte de la crotte, pour traduire poétiquement. Ou encore une réalité évidente pour qui aurait trois sous de psychologie humaine : prêcher à des gens qu’ils sont de gros méchants n’a pas tendance à les transformer en mignons gentils, pour parler poliment.

Mais il y en a une autre que Singal n’aborde pas : contrairement à ce qu’on a tendance à croire, et notamment du côté des curés de l’« opus D.E.I. », les humains sont relativement moins prédisposés à s’écharper pour des questions de « race » que pour d’autres facteurs de discrimination. La raison en est que notre espèce a passé bien plus de temps dans des communautés où les groupes d’affinités (et d’hostilité) ne se formaient pas autour de critères ethniques. Critères qui, aujourd’hui, sont dès lors moins profondément fichés dans notre cervelle pour faire le tri entre « amis » et « ennemis » – l’opération de base pour une espèce aussi conflictuelle que la nôtre –, et sont donc ignorés plus facilement. Voire tout simplement effacés, du moins dans un contexte expérimental.

Ainsi, lorsqu’on leur demande de lire des déclarations associées à une photo et de se souvenir de « qui a ditquoi ? » en une fraction de seconde, les gens se trompent bien plus souvent de couleur de peau que de sexe, ce qui signifie que cette dernière information nous marque davantage. De même, un accent est un critère de distinction-discrimination plus fort que l’origine ethnique : prenez des enfants américains blancs de 5 ans et faites-leur écouter d’autres petits Blancs parlant avec un accent qu’ils ne connaissent pas ou des enfants noirs parlant comme eux. Avec qui préféreront-ils devenir copains ? Avec les seconds. En clair, la D.E.I. comme elle est aujourd’hui conçue et pratiquée met le doigt sur (et appuie, triture et trifouille) des points qui nous seraient en réalité secondaires pour nous chercher des crosses. Comment s’étonner qu’elle fasse plus de mal que de bien ?"


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